Préparatifs pour le transfert d’archives de Cornelia Hahn Oberlander vers le Centre Canadien d’Architecture. Photo : Wendy Oberlander. Preparation for the transfer of Cornelia Hahn Oberlander’s archives to the Canadian Centre for Architecture. Photo: Wendy Oberlander

Preparation for the transfer of Cornelia Hahn Oberlander’s archives to the Canadian Centre for Architecture. Photo: Wendy Oberlander. Préparatifs pour le transfert d’archives de Cornelia Hahn Oberlander vers le Centre Canadien d’ArchitecPréparatifs pour le transfert d’archives de Cornelia Hahn Oberlander vers le Centre Canadien d’Architecture. Photo : Wendy Oberlander. Preparation for the transfer of Cornelia Hahn Oberlander’s archives to the Canadian Centre for Architecture. Photo: Wendy Oberlanderture. Photo : Wendy Oberlander.

« Tout est dans le terrassement. »

Martien de Vletter

Lorsque je lui ai parlé en janvier 2018, Cornelia Hahn Oberlander répétait sans cesse cette phrase, devenue une sorte de mantra pour elle.1 Je lui ai rendu visite au nom du Centre Canadien d’Architecture (CCA), juste avant que la dernière partie de ses archives soit expédiée au CCA. Le fait de voir ses propres archives et tout l’héritage qu’elles comportent quitter leur environnement originel est un moment très délicat pour la personne qui les a créées, tout en étant un moment excitant pour son destinataire. Pendant des mois, Amelia Sullivan, l’assistante d’Oberlander, a soigneusement préparé ses archives afin qu’elles soient bien organisées avant d’être expédiées au CCA. Ma visite a permis à Oberlander et Sullivan de discuter de tous les projets que ses archives contenaient, d’identifier les plus notoires parmi eux, les étapes importantes du processus de conception, et l’utilité de différents matériels comme des esquisses et des plans d’exécution. En plus des projets d’Oberlander, nous avons eu l’occasion de discuter de sa bibliothèque, de son travail pédagogique, de la documentation de ses conférences, de ses collaborations avec d’autres architectes, et de ses documents personnels. Et, au cours des conversations que nous avons eues lors de ma visite ainsi que de notre entrevue formelle, elle répétait toujours : « Tout est dans le terrassement. »2 Ses mots continuent de résonner, et m’ont guidée dans ma sélection de matériel à numériser.

L’arrivée de la première portion des archives d’Oberlander au CCA coïncidait avec l’exposition L’Esprit nouveau : l’architecture moderne à Vancouver, 1938-1963.3 Oberlander a fait don de 55 photos et de sept dessins relatifs au projet d’aménagement pour la résidence de Sidney Friedman, complété en 1954, et de sa propre résidence (conçue par Barry Downs en collaboration avec Peter Oberlander). Il en va de même pour ses schémas de plantation pour MacLean Park et Skeena Terrace, les deux premiers projets résidentiels à être appuyés par la Société canadienne d’hypothèques et de logement dans le cadre du plan de réaménagement de Vancouver en 1957. C’est à partir de ce premier don que le fonds d’archives AP075 (Archive privée, et la 75e arrivée archivistique au CCA) a vu le jour. Par la suite, Oberlander a fait deux autres dons beaucoup plus considérables au CCA, l’un en 2002 (plus de 1000 dessins) et l’autre en 2006 (plus de 200 tubes de dessins et de documentation textuelle).

Bien que ce soit l’exposition de 1997 qui ait engendré le don de ses archives, ce dernier était également une suite logique de l’arrivée au CCA des archives d’Arthur Erickson (AP020), qui incluent du matériel par Cornelia Hahn Oberlander tiré de projets sur lesquels elle et Erickson avaient travaillé conjointement. Lorsque je l’ai questionnée sur sa relation de travail avec Erickson, Oberlander m’a répondu que le travail architectural de ce dernier lui avait permis de structurer ses propres paysages. Malgré sa connaissance phénoménale des fleurs, des plantes, des arbres et des herbes, elle considère en fait que cet aspect de son travail figure parmi les éléments les moins importants de ses aménagements. Elle juge plutôt l’idée de « sculpter la terre » comme étant la composante la plus cruciale de ce qu’elle fait—une notion qu’Erickson comprenait clairement. Selon Oberlander, « il avait une sensibilité pour le terrain. J’ai toujours pensé que s’il n’avait pas été architecte, il aurait été architecte paysagiste ».

Au cours des dix années suivantes, plusieurs autres transferts ont été effectués de Vancouver à Montréal, et ces archives, maintenant conservées entièrement au CCA, incluent des objets documentant plus de 203 projets datant de 1954 à 2009.4 L’héritage d’Oberlander est présent dans tout le matériel ayant servi à ses projets de terrains de jeux, de terrasses-jardins, de paysages pour espaces publics, et d’aménagements paysagers pour résidences privées. Ses archives incluent également des documents administratifs provenant de sa société et de ses engagements professionnels, ainsi que du matériel de recherche relatif à ses projets d’aménagement, ses conférences et ses publications, y compris sa collection de catalogues de pépinières. Normalement, le CCA n’incluerait pas ces catalogues dans sa collection, mais leur présence dans le cadre d’archives privées offre des informations contextuelles extrêmement précieuses.

L’attention qu’Oberlander porte au détail et sa précision ne s’arrêtent pas au terrassement. À travers tous ses projets, il est évident qu’elle se préoccupe des personnes qui utilisent ou habitent ses espaces. Même très tôt dans sa carrière, elle accordait un souci particulier aux personnes qui allaient utiliser les espaces qu’elle concevait. Elle considère son projet de terrain de jeu au coin de la 18e rue et de la rue Bigler à Philadelphie comme étant particulièrement formateur, étant donné qu’il s’agissait de sa première commande publique et que cela avait exigé un travail étroit avec la communauté locale. C’était une intervention complexe, basée dans un contexte chargé de tensions raciales (une situation qui demeure malheureusement inchangée selon Oberlander, qui a pu revisiter le site plusieurs fois). Avec ce projet, Oberlander a appris à concevoir un terrain de jeu avec et pour la communauté (tout comme son projet pour Expo 67), tout en constatant les limites de son rôle en tant qu’architecte paysagiste.

En les étudiant de plus près, on peut remarquer deux autres caractéristiques notables dans ses dessins : leur clarté et leur apparente simplicité. Oberlander a dit qu’elle a appris à dessiner ainsi en travaillant avec Dan Kiley. Bien que ce style de dessin puisse être associé à des projets plus petits ou plus simples, ce n’est tout simplement pas le cas. Cette manière de dessiner est bien intentionnelle et sert à faciliter la communication avec les usagers visés par ses projets lors de leur conception, et elle est fière d’avoir acquis cette habileté. Ses dessins démontrent également une réflexion conceptuelle adaptable et communiquent clairement son approche écologique, basée sur les descriptions de plantations documentées par Archibald Menzies en 1790, lors de ses déplacements le long de la côte ouest du Canada avec le capitaine George Vancouver.

Cornelia Hahn Oberlander partage volontiers ses idées sur l’architecture paysagère avec générosité et éloquence. Ses archives en témoignent également. Lorsque l’on regarde attentivement ses dessins pour le terrain de jeu d’Expo 67, les jardins privés de Vancouver, les aménagements paysagers pour Robson Square et le Musée d’anthropologie, ou encore ses conférences et ses articles, on constate son affection pour l’écologie, sa capacité à partager ses idées clairement et, bien sûr, l’attention qu’elle porte au terrassement.5

Notes

  1. Toutes les citations dans ce texte sont tirées de mon entrevue avec Cornelia Oberlander, réalisée le 16 janvier 2018 à Vancouver.
  2. En architecture paysagère, le terrassement consiste à s’assurer d’avoir ou de modifier une base afin qu’elle soit plane ou, dans le cas d’une topographie inégale ou inclinée, de créer un design qui permettra un drainage dirigé. Pour Oberlander, la base de son travail consiste à bien comprendre la forme naturelle du terrain (souvent incliné), car cela lui permet d’assurer un drainage naturel des eaux, un des aspects clés de ses plans d’aménagement paysager.
  3. L’exposition a été organisée par et présentée au CCA en 1997, et a voyagé à la Vancouver Art Gallery, où elle a été présentée de 1997 à 1998 avant d’être exposée au Nickle Arts Museum à Calgary, en 1998.
  4. L’outil de recherche du CCA fournit une description complète de ces archives et donne un aperçu de tout le matériel numérisé : « Fonds Cornelia Hahn Oberlander », CCA, https://www.cca.qc.ca/fr/recherche/details/collection/object/218037.
  5. Je tiens à remercier Ushma Thakrar, rédactrice au CCA, d’avoir révisé la version anglaise de ce texte.